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12 octobre 2010 2 12 /10 /octobre /2010 08:21

Lettre du Prince Impérial à Jules Espinasse, le 10 avril [1878]

 

« Mon cher Espinasse,

Il y a bien longtemps que je ne vous ai donné de mes nouvelles.

Soyez sûr que ce n’est pas par oubli. Je regrette aujourd’hui que le sujet de ma lettre soit aussi triste. Apprenant la mort de ce pauvre Marielle [NDA : en avril 1878, l’aîné des Marielle, Lucien, petit-fils de l’Amiral Tréhouart, qui était sous-lieutenant au 97e d’Infanterie à Chambéry eut, dans un bal costumé, à propos d’une dame, un différend avec un lieutenant de dragons. Marielle tirait très bien l’épée. Le duel eut lieu. Marielle, attaquant trop vivement, s’enferra et fut tué net] j’ai voulu écrire à sa Mère et je vous prie de bien vouloir remettre la lettre ci-incluse.

Vous, qui connaissiez Marielle encore mieux que moi, vous devez comprendre et partager mes regrets. Quel malheur de mourir ainsi au début de la vie lorsque l’on n’a pas connu les tristesses et que la carrière s’ouvre toute grande devant vous …Si le pauvre garçon était mort sur le champ de bataille, je ne le plaindrais pas. Mais à la suite d’un bal, c’est doublement attristant.

Croyez, mon cher Espinasse, à mon amitié. Napoléon ».

 

[«  Mémoires du général Espinasse », 1928, p.352]

 

 

Lettre du Prince Impérial à Eugène Rouher, le 30 avril 1878 : extraits

 

« … Nous devons mettre à la cape, comme je vous le disais à votre dernier voyage. Vouloir faire échec à la République, à la Chambre, c’est ne pas se rendre compte de l’état des partis. Les républicains au pouvoir ont besoin d’une opposition intransigeante pour lui attribuer toutes les difficultés, tous les embarras qu’éprouve la marche d’un gouvernement républicain par le seul fait de son principe.

C’est donc nuire à la République que de prendre une attitude neutre (…). Je ne parle pas « d’essai loyal » ni de « baiser Lamourette ». La conciliation entre les partis politiques de gauche ou de droite n’est qu’un mot : le mot de passe des transfuges.

Je ne veux pas licencier mes troupes ; je veux qu’elles prennent leurs quartiers d’hiver. Est-ce donc impossible à un parti politique de former les faisceaux sans mettre bas les armes ?

Je vois à l’heure actuelle parmi les nôtres une débandade morale qu’il faut faire cesser au plus vite, en donnant partout le même mot d’ordre.

Si l’Ordre et la Correspondance exprimaient d’une façon plus nette et plus continue la pensée politique qu’on peut résumer ainsi : « Laisser faire les républicains sans désarmer, de façon à profiter de leurs fautes », chacun comprendrait que la direction vient de haut et le découragement cesserait avec l’incertitude …

Lorsque nous avons mis M. Merruau à la tête de l’Ordre, je lui ai surtout recommandé de veiller à ce que les articles ne contiennent pas des choses de mauvais goût, qu’ils s’abstiennent de faire de la polémique avec les nôtres, et, surtout, que la politique du parti ne soit pas engagée à la légère.

Ces trois recommandations sont aujourd’hui lettre morte. On a repris la mode des titres-réclames (…). L’usage d’excommunier les bonapartistes schismatiques, sans en référer aux autorités compétentes, est encore en vigueur dans les bureaux de l’Ordre ».

 

[« Le Prince Impérial, souvenirs et documents », Augustin Filon, 1912, p. 195-196]

 

 

Lettre du Prince Impérial à Eugène Rouher, [1878] : extrait

 

« … On trouve dans nos journaux l’éternelle comparaison entre le plébiscite et les élections, afin de bien démontrer que, quoique en majorité à la Chambre, les républicains sont en minorité dans la nation.

Ce n’est ni adroit ni vrai. Momentanément, cette grande masse qui n’appartient à aucun parti, parce qu’elle se préoccupe assez peu de politique, est en faveur du statu quo, et comme le statu quo est républicain, elle est républicaine. Pour que le pays modifie son opinion, il faut que l’état politique actuel se soit modifié.

Il ne sautera qu’une fois acculé au mur, et si, par voie plébiscitaire, on lui demandait aujourd’hui, par malheur, son avis, il répondrait oui pour la République, c’est-à-dire : « Je veux rester tranquille » … »

 

[« Le Prince Impérial, souvenirs et documents », Augustin Filon, 1912, p. 196]

 

 

Lettre du Prince Impérial au duc d’Elchingen [1878] : extrait

 

« … Ce qui touche à l’armée, comme vous le savez du reste, m’intéresse ou plutôt me passionne. Je n’aime pas seulement l’armée française parce que je suis soldat et Français jusqu’à la moelle, mais encore parce que je considère qu’en elle seule réside la force capable de sauver la société française, d’abord, et de lui rendre ensuite sa grandeur … ».

 

[« Le Prince Impérial, souvenirs et documents », Augustin Filon, 1912, p. 188]

 

 

Lettre du Prince Impérial à l’Impératrice Eugénie, [juillet] 1878 – Stockholm

 

« … Dès mon arrivée à Copenhague, j’ai fait prier la grand-maréchal de la Cour, par dépêche, de me faire savoir le jour et l’heure à laquelle je pourrais être reçu par Leurs Majestés, alors absentes de leur propriété royale, qui avoisine la capitale.

De retour le lendemain à Bernsdorff, le roi m’invita aussitôt à venir dîner chez lui à cinq heures. Je venais de terminer la lettre que je vous écrivais et je m’apprêtais à partir, lorsque le roi, qui s’était introduit dans l’hôtel comme l’aurait pu faire un bon bourgeois de sa capitale, dans être reconnu, fit dans mon salon une soudaine apparition avant que j’eusse eu le temps de voler à sa rencontre.

Voilà l’explication du : « On frappe, c’est le roi ! » que j’ai ajouté à ma lettre après son départ et qui peint assez bien ma surprise à cette visite inattendue, due à un excès de politesse.

J’ai dîné deux fois chez le roi et une fois chez le prince royal.

J’ai été, durant tout mon séjour, l’objet de toutes les prévenances de la famille royale. Les voitures du roi à quatre chevaux venaient me chercher comme Cendrillon pour me mener à Bernsdorff. La garde rendait les honneurs, le roi me forçait à passer toujours le premier, et chez le prince royal j’étais placé au centre de la table, le roi à ma droite et la reine à ma gauche.

Le premier soir, le roi eut la courtoisie de boire à ma santé, tandis que la musique jouait Partant pour la Syrie. Le jour de mon départ, le prince royal vint me dire adieu sur le bateau et resta sur le quai jusqu’au moment où nous démarrâmes. Tout le temps de mon séjour à Copenhague, le drapeau tricolore flotta sur l’hôtel …

(…) Ici en Suède, l’accueil a été tout aussi chaud de la part de la population et profondément affectueux de la part du roi …

(…) Le roi me plaît beaucoup, il a gagné mon coeur : je le crois sincère dans les sentiments qu’il me témoigne. Je le crois homme de valeur. A coup sûr c’est un hôte charmant ; il travaille beaucoup et sait à merveille son métier de roi. Sans avoir la prétention de juger un homme en une semaine, je pense ne pas trop m’avancer en lui rendant cet hommage, que peu de souverains méritent à notre époque … ». 

 

[« Le Prince Impérial, souvenirs et documents », Augustin Filon, 1912, p. 189-190]

 

 

Lettre du Prince Impérial au Dr Corvisart, [juillet] 1878 – Ulefos (Suède)

 

« Mon cher Monsieur Corvisart,

Votre lettre m’est parvenue il y a quelques jours, au moment où je quittais la carriole pour sauter en bateau ; c’est vous dire que la vie que je mène depuis un mois ne me laisse que peu d’instants libres et pas de repos, car je veux profiter de mes loisirs pour écrire à mes amis.

J’ai juste vingt minutes à moi ; je les emploie avec plaisir à vous répondre, car ma pensée est souvent avec vous.

Ce que vous me dites de la santé de Gaston [NDA : le second fils du Baron Corvisart] m’a ému mais non alarmé, car je n’ai pas la peur rétrospective. Je vous remercie de ne m’avoir mis au courant du danger qu’avait couru mon petit ami que lorsque toutes les traces du mal avaient déjà disparu ; vous m’avez ainsi épargné de vives et cruelles inquiétudes.

Je n’ai réellement pas le temps de vous donner de longs détails sur mon voyage. Je veux seulement vous dire que j’en suis ravi à tous les points de vue.

On ne peut se figurer la façon dont j’ai été reçu par les cours et par les populations : on eût dit que je faisais un voyage officiel. Partout des drapeaux tricolores pour me rappeler ma patrie, partout des musiques jouant Partant pour la Syrie pour me rappeler l’Empire. Je ne suis pas entré dans une petite ville sans passer sous un arc de triomphe décoré de l’N.

A bientôt ; croyez que lorsque je me divertis, je pense à ceux qui partagent avec dévouement les ennuis de mon exil et ma reconnaissance envers eux grandit.

A vous de tout mon cœur, Napoléon. »

 

[« Le Prince Impérial », André Martinet, 1895, p. 281-282]

 

 

Lettre du Prince Impérial à l’Impératrice Eugénie, [juillet] 1878 – Stockholm

 

« … Au moment de me mettre en route pour mon excursion en Norvège, je veux vous donner de mes nouvelles, car vous resterez quelque temps sans entendre parler de moi. 

Mon séjour à Stockholm s’est terminé en me laissant un charmant souvenir. La situation de cette ville, qui mérite le nom de capitale du Nord, la rend incomparable, si ce n’est, me dit-on, à Constantinople ; les musées et les collections qui y abondent lui donnent un grand attrait. Quant aux environs de la ville, on ne peut que les trouver charmants, quoiqu’il n’y ait pas de variété dans le paysage. Nulle part ailleurs on ne trouve de transition aussi brusque entre la nature sauvage et le monde civilisé …

(…) Depuis Stockholm jusqu’à Goteborg, de Goteborg jusqu’à Christiania, j’ai partout été l’objet d’une véritable ovation : autorités, musiques communales, dames et bouquets, tout y était. Il m’est d’autant plus précieux de recueillir ces témoignages de sympathie, qu’ils sont autant d’hommages rendus à la mémoire de mon grand-oncle et de mon père, dont on acclame le nom en ma personne. La popularité de leur souvenir me montre que la sphère où l’esprit de parti étend son action est bien restreinte et que l’histoire les vengera de toutes les calomnies : le temps, comme la distance, donne de la sérénité au jugement et servira leur cause … ».

 

[« Le Prince Impérial, souvenirs et documents », Augustin Filon, 1912, p. 190-191]

 

 

Lettre du Prince Impérial au cardinal de Bonnechose, le 21 octobre 1878

 

« Je viens de recevoir la lettre que Votre Eminence a bien voulu m’écrire, et c’est au nom de l’Impératrice en même temps qu’au mien que j’y réponds.

Tous deux, nous avons été également heureux de vous recevoir et c’est pour nous un réel plaisir d’apprendre que vous ne regrettez pas les quelques jours passés sous notre toit. Nous les avons trouvé trop courts, moi surtout qui avais tant de chose à vous dire. Toutefois, cela a été pour moi une vive satisfaction de pouvoir m’exprimer à cœur ouvert sur toutes les questions que Votre Eminence m’a faites.

Vous voulez bien me remercier de la franchise que j’ai mise à vous découvrir mes sentiments et ma pensée ; laissez-moi vous dire combien je vous suis reconnaissant de m’avoir apporté les encouragements d’une âme chrétienne et les conseils d’un esprit qui a pour lui la sagesse et l’expérience.

Votre Eminence m’a dit aussi un mot aimable pour Arenenberg ; il m’a touché ; j’aime cet endroit où tant de souvenirs m’attachent et je m’y plais, quoique mon corps seul soit en exil et que ma pensée soit toujours en France.

Car la France est le but de ma vie, ma raison d’être est de la servir – je ne veux pas dire, de la sauver. Dieu seul le peut ! ».

 

[« Le Prince Impérial », André Martinet, 1895, p. 286-287]

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