SOUVENIR DU CINQUANTENAIRE DE LA MORT
DU PRINCE IMPERIAL
1879-1929
Pour commémorer le cinquantième anniversaire de la mort du Prince Impérial, ses compagnons d’enfance et de jeunesse : S.A. le Prince Murat, le général Conneau, le général Espinasse, le général baron Corvisart, ont fait célébrer, le samedi 1er juin, un service en l’église Saint-Louis des Invalides.
S.A.I. le Prince Napoléon était représenté par S.A. le Prince Joachim Murat.
La messe a été dite par M. l’abbé Bohan, vicaire à Saint-Pierre de Chaillot, en présence de S.G. Monseigneur Chaptal, représentant S.E. le Cardinal Archevêque de Paris, qui a donné l’absoute, et de S.G. Monseigneur Baudrillart, archevêque de Mélitène.
Le même jour, à 4 heures, un pèlerinage a eu lieu au monument élevé dans la parc du château de Malmaison.
Là, S.A. le Prince Joachim Murat a prononcé l’éloge funèbre du Prince Impérial, puis M. le chanoine Ferret, curé de Rueil, a récité « la prière du Prince Impérial ».
Une foule nombreuse de personnes fidèles à la mémoire du Prince a assisté à ces deux cérémonies.
DISCOURS PRONONCE PAR S.A. LE PRINCE JOACHIM MURAT
A MALMAISON
A L’OCCASION DU
CINQUANTENAIRE DE LA MORT DU PRINCE IMPERIAL
LE 1er JUIN 1929
Le 16 mars 1856, des salves d’artillerie apprenaient à la France la naissance du Prince Impérial.
Il vient au monde le jour des Rameaux, et nul ne se doutait alors que les acclamations prodiguées à cet enfant le vouaient à un destin tragique.
Ainsi, dix-huit siècles plus tôt, l’enthousiasme du peuple d’Israël présageait pour le Christ la passion et le martyre du Golgotha.
Nous commémorons aujourd’hui le cinquantième anniversaire de sa fin héroïque et le souvenir de son charme, de ses qualités.
L’émotion soulevée par ses malheurs place cet hommage bien au-dessus et en dehors des querelles politiques qui divisent les Français.
Sa naissance fut celle d’un prince de conte de fées.
L’Impératrice Eugénie, sa mère, régnait sur tous les cœurs par sa grâce souveraine, sa charité et sa bonté, plus encore qu’elle ne dominait la foule par l’éclat de sa radieuse beauté.
Son père, Napoléon III, avait sauvé la France de l’anarchie, lui assurait la prospérité avec la grandeur et attentivement penché sur le sort des humbles était le promoteur des réformes sociales, qui sont plus que jamais à l’ordre du jour dans notre démocratie contemporaine.
Plus encore qu’à ses parents, le Prince Impérial appartenait à ce peuple de France auquel sa naissance, en assurant l’avenir de la dynastie, apportait un immense espoir : celui de voire clore à jamais l’ère des troubles et d’émeutes qui désola notre Pays pendant le XIXe siècle.
On le fit, dans son berceau, grand’croix de la Légion d’Honneur.
L’abbé Deguerry, l’un des futurs otages de la Commune, lui dit un jour : « La croix est le symbole du sacrifice. Celle qu’on a placée dans votre berceau signifie que vous avez été marqué dès votre naissance pour vous dévouer au peuple ».
Cette idée du grand et austère devoir imposé par son origine a dirigé tous les actes du Prince pendant son trop court séjour ici bas.
Il avait été formé à cette haute conception par les enseignements de l’Empereur et de l’Impératrice, admirablement secondés dans cette lourde tâche par le Général Frossard, Augustin Filon et Ernest Lavisse.
Son père et sa mère, quand vinrent les revers, les tristesses de l’exil, lui donnèrent le grand exemple de la résignation.
Au moment de devenir un homme, son caractère fut trempé à la rude école de l’adversité.
Le Prince Impérial était digne de sa race, il en avait compris la mission.
Il se savait appelé aux plus hautes, aux plus redoutables charges, non en vertu du droit divin de la Monarchie antique, mais en raison du devoir impérieux imposé à la famille qui, deux fois, a sauvé la France … en raison du devoir imposé à la race de Napoléon !
A la mort de son père, il considéra que le titre d’Empereur appartenait encore au mort bien-aimé et ne pourrait lui être confié que par une manifestation solennelle et régulière de la volonté nationale.
Fidèle aux principes du Grand Napoléon, il voulait devoir sa couronne à l’investiture du seul qui ait le droit de parler en maître, dans le monde moderne, du Peuple Souverain.
Celui dont aujourd’hui nous évoquons la mémoire avait les qualités d’un chef populaire. Le destin ne lui a pas permis de les affirmer.
Comme toutes les tragédies, celle de sa fin a fait naître des légendes.
On a parlé dans la presse et sur la scène de je ne sais quelle machination ténébreuse de l’Angleterre s’acharnant sur le descendant de Napoléon.
Il n’en est rien ; la figure de la Reine Victoria est trop haute pour que d’aussi plates calomnies puissent atteindre Celle qui fut l’amie sincère et fidèle de Napoléon III, de l’Impératrice et du Prince Impérial.
J’ai eu l’honneur, pendant la grande guerre, d’être attaché à l’armée britannique, et je suis sûr que tous ceux qui, comme moi, l’ont vue à l’œuvre, se refuseront à faire rejaillir sur une nation loyale et brave la défaillance d’un homme, dont je tairai ici le nom, car son châtiment fut de mourir de honte, rejeté par ses pairs, et marqué par eux d’infâmie.
On a parlé aussi d’un guet-apens organisé pour servir les intérêts les plus vils de notre politique intérieure.
Ici encore il faut s’inscrire en faux, rien dans les faits ne prouve une infâmie pareille, et je ne puis, pour ma part, croire aucun Français capable d’un tel attentat.
Il fut pourtant des hommes chez nous qui porteront devant l’Histoire la responsabilité de la mort de celui dans lequel toute une génération avait mis ses plus chères espérances.
Ce furent les folliculaires, les auteurs de libelles qui osèrent, à propos du combat de Sarrebrück, mettre en doute le courage du Prince Impérial.
Pour démentir leurs insinuations, il partit vers la fatale aventure. Ceux-là l’ont moralement assassiné.
Il incarnait cette magnifique bravoure française, vertu impériale, s’il en fut, pratiquée par tous ceux de la grande Epopée, les grenadiers, les généraux, et à leur tête … l’Empereur !
A l’âge de onze ans, victime d’un accident grave au cours d’une promenade en mer, le Prince Impérial prononça cette parole sublime : « Maman, un Napoléon n’a pas peur ».
Interrogés après sa mort, les Zoulous comparaient à un lion le jeune guerrier, auquel, par respect pour son courage, ils laissèrent le collier de médailles bénites donné par sa mère.
Il y a cinquante ans, jour pour jour, heure pour heure, par une belle soirée de juin, sous le soleil brûlant d’Afrique, le jeune héros tomba, percé de dix-sept blessures, toutes reçues par devant.
Evoquons donc ensemble, dans un sentiment de religieuse émotion, l’image de ce beau jeune homme que tout un peuple avait acclamé et qui, seul, au milieu de la vaste plaine, s’en va d’un pas tranquille au devant de la mort, digne héritier de la race illustre entre toutes, à laquelle il appartient.
Le Prince Impérial n’a fait que passer en ce monde, il est mort jeune, sa fin fut celle d’un héros. Il appartient désormais au patrimoine de grandeur nationale commun à toute la France, à cette France tellement pénétrée des souvenirs de la Grande Epopée, qu’il suffit chez nous de parler de la gloire pour que l’écho réponde : « NAPOLEON ».